UNE ENCYCLOPÉDIE libre, gratuite et
à laquelle tout le monde peut participer sans être un expert ni
présenter le moindre diplôme. L'idée a de quoi faire sourire, voire
faire peur. Née en 2001 sur le Web, l'encyclopédie Wikipedia fondée
sur ce principe du partage de l'information s'affirme pourtant de plus
en plus comme une réussite. Depuis sa création, elle existe en deux
cents langues et elle compterait parmi les quarante sites les plus
visités de la Toile.
Une étude publiée hier par des
journalistes de la revue britannique Nature vient s'ajouter à ce
succès planétaire. Selon elle, Wikipedia atteint la même qualité que
l'encyclopédie payante Britannica, tout du moins concernant les
rubriques scientifiques. Pour arriver à cette conclusion, les
journalistes ont choisi 42 entrées, d'une longueur quasiment
équivalente – du prix Nobel au théorème de Pythagore en passant par
les phéromones. Ils ont ensuite demandé à des experts de noter les
erreurs présentes dans chaque article. Résultat : quatre erreurs
«graves» – comme un contresens sur un concept scientifique important –
ont été relevées dans chacune des deux encyclopédies. Pour les fautes
moins importantes – erreurs factuelles, omissions ou déclarations
trompeuses –, Wikipedia en totalise 162 contre 123 pour Britannica.
C'est la première fois qu'une telle
comparaison a été réalisée. Et elle a de quoi surprendre tant la façon
dont se fabrique Wikipedia n'a rien de classique. Comme son nom
l'indique, le site Web utilise la technique Internet wiki qui permet à
tout un chacun de modifier une page à son gré d'un simple clic. Une
liberté à première vue très dangereuse. On imagine aisément une
personne avec des mauvaises intentions truffer un article d'erreurs ou
de grossièretés. Et cela arrive d'ailleurs tous les jours. Hier, par
exemple, à 11 h 26, sur la page consacrée au Soleil de la version
francophone, on pouvait lire : «La brillance du Soleil augmente
d'environ 700% par milliard d'années écoulé.» Une heure plus tard,
l'erreur ajoutée volontairement par un internaute était corrigée et on
trouvait à nouveau le chiffre de 7%.
«Vandalisme virtuel»
Car l'écriture des pages par toute
une communauté d'internautes, qui peut paraître à première vue un
danger, se révèle une protection contre le «vandalisme» virtuel ou les
informations inexactes. Les cas de falsification, même s'ils existent
sont rares. Chaque article dispose d'un historique permettant de
visualiser toutes les modifications depuis sa création. Du coup, les
ajouts intempestifs sont vite repérés. Et certains membres de la
communauté Wikipedia – les administrateurs – exercent un rôle de
censure si des informations mensongères circulent.
L'atout de Wikipedia est d'être
construite de «façon démocratique», juge un enseignant en chimie à
l'université de Strasbourg qui collabore régulièrement à
l'encyclopédie et qui a voulu resté anonyme. A l'origine d'un article,
on trouve souvent une seule personne passionnée par le sujet.
Malgré tout, Wikipedia reste la
cible de critiques. On lui reproche notamment de présenter des
articles mal écrits. Sur ce point, Jimmy Wales, cofondateur du projet
avec Larry Sanger, envisage à l'avenir de ne mettre en ligne une page
qu'une fois un certain niveau de qualité atteint. Certains estiment
aussi que l'encyclopédie libre donne trop d'importance aux théories
scientifiques controversées.
Actuellement, la pertinence des
propos de Wikipedia passe notamment par l'intervention dans les
discussions et dans l'écriture des articles de scientifiques,
d'étudiants et de doctorants. Dans le futur, les deux créateurs de
l'encyclopédie pense même donner une importance supplémentaire à
l'autorité d'experts scientifiques en créant une sorte de comité de
lecture. Il ne faudrait pas que l'encyclopédie perde sa spontanéité
qui fait son succès.