PEKIN (AFP) - La plus grande opacité
continuait d'entourer samedi le nombre exact des victimes quatre jours
après la répression d'une manifestation dans le sud de la Chine où les
villageois, toujours choqués, avancent le chiffre d'une trentaine de
morts.
Plusieurs centaines de policiers
étaient toujours déployés samedi à l'intérieur et aux abords du village
de Dongzhou, près de la ville de Shanwei, dans la province du Guangdong
(sud), où la police paramilitaire a tiré sur des villageois réclamant
des compensations pour des terres saisies dans le cadre de la
construction d'une centrale électrique, selon les habitants.
Si le nombre d'une trentaine de tués
qu'ils avancent était confirmé, il s'agirait de la plus grave
répression par l'armée depuis celle du mouvement démocratique de
Tiananmen, écrasé dans le sang dans la nuit du 3 au 4 juin 1989. Les
autorités, muettes sur ces événements, ont interdit l'accès du village
aux journalistes. "La police a bloqué les accès menant au village et ils
effectuent des patrouilles dans les rues", a témoigné par téléphone
auprès de l'AFP un habitant nommé Chen.
Dans son édition de samedi, le
quotidien hongkongais de langue anglaise South China Morning Post publie
en une la photo d'un habitant identifié comme Lin Yutui, une balle
fichée dans la poitrine. La police procède à des contrôles d'identité à
la recherche de meneurs de la manifestation du 6 décembre qui a
rassemblé plus d'un millier de personnes, indique le journal. Selon les
habitants, qui faisaient état mardi de quatre morts, l'unité anti-émeute
de la Police armée du peuple (PAP) a ouvert le feu sur les
protestataires qui avaient dressé des barricades et lancé des cocktails
molotov pour les empêcher de pénétrer dans le village.
La situation avait dégénéré après
l'arrestation de trois représentants du village qui s'étaient rendus sur
le site de la future centrale après avoir constaté qu'une centaine de
policiers y avaient pris position, ont par ailleurs indiqué des témoins
cités par Radio Free Asia, basée aux Etats-Unis. L'agence officielle
Chine Nouvelle est restée muette sur ces événements mais selon un
responsable de Shanwei, les autorités locales s'apprêtaient samedi à
diffuser un communiqué. "Nous redoutons qu'ils essaient de détruire les
preuves car ils affirment que personne n'a été tué", s'est inquiété un
habitant cité par le South China Morning Post.
"J'ai vu des gens s'agenouiller devant
les policiers pour les supplier de leur restituer les corps de leurs
proches (...). Mais la police a refusé. Ils les ont emportés et nous ne
savons pas où ils se trouvent actuellement", s'est émue Wei, une autre
villageoise. "Nous avons entendu dire que des gens seraient envoyés ici
pour enquêter, mais nous ne savons pas si c'est vrai ou non. Ils nous
ont leurrés tellement de fois par le passé", a-t-elle ajouté.
Les incidents liés aux saisies de
terres se multiplient dans la campagne chinoise. En Chine, la terre
appartient à l'Etat, octroyant un pouvoir immense aux fonctionnaires qui
favorise la corruption.