La première "photo vivante" grâce à
une bactérie
LE MONDE | 31.12.05 | 14h42
Découvrez les dépêches vidéo des
agences AFP et Reuters, en français et en anglais.
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icéphore Niépce, l'inventeur
bourguignon de la photographie (1767-1833), en avait peut-être rêvé il
y a plus d'un siècle et demi. Mais ce sont des chercheurs de
l'université de Californie, à San Francisco, et de celle du Texas qui
l'ont réalisée.
Le "flying spaghetti monster", sorte
de crabe à six pattes tout droit issu de l'imagination d'un enfant,
est la première photo vivante jamais produite. D'autres, comme une
série de portraits d'une incroyable qualité, ont suivi.
Ces photos sont les premières faites
à partir d'un matériau biologique qui tourne résolument le dos aux
techniques des champions de la pellicule que sont Agfa, Fuji ou Kodak
et à celles des leaders de la photo numérique.
Oubliés les sels d'argent ainsi que
les oxydes de fer et de manganèse, que le héros de Chalon-sur-Saône a
eu tant de peine à maîtriser pour réaliser, en 1826 ou 1827, la
première photographie de tous les temps. Finis les capteurs
électroniques dont la résolution — le nombre de pixels —, tant vantée
par les vendeurs d'appareils numériques, ne cesse de progresser.
Désormais, l'heure est aux
bactéries, et à la plus connue d'entre elles : Escherichia coli. E.
coli pour les intimes. Un micro-organisme présent dans l'intestin des
mammifères et qui, au fil du temps, est devenu le cobaye préféré des
biologistes.
Cette bactérie est si petite qu'il
n'est guère difficile, s'amusent Chris Voigt et Anselm Levskaya, deux
des pères californiens de ces photos biologiques, d'obtenir avec cette
pellicule vivante des résolutions de 100 millions de pixels, là où des
appareils haut de gamme en proposent dix fois moins. Vantardise ?
Certainement pas. D'ailleurs, la très sérieuse revue scientifique
Nature s'est fait l'écho de cette découverte à la fin du mois de
novembre.
Pour obtenir les minuscules
biopigments noirs et blancs — ou plutôt beige clair et beige foncé —
nécessaires à la constitution de leur photo, les chercheurs ont
"manipulé" E. coli en lui injectant le gène d'une algue bleue qui
favorise, plus ou moins directement, la production d'une protéine
sensible à la lumière. En résulte l'apparition d'un pigment coloré,
celui-là même qui fait les clairs et les foncés selon qu'il se
manifeste ou pas. Seule contrainte — et non des moindres —, le temps
de pose de cet appareil photo d'un nouveau genre est de plusieurs
heures.
Ces biologistes espèrent développer
le marché de ces bactéries mutantes en les transformant en de
minuscules usines, les "nano-usines", capables, une fois excitées par
la lumière, de produire nombre de substances chimiques ou de
précipiter des métaux.