Source: http://www.libertepolitique.com/public/decryptage/article-2172-Une-idee-laique-%3A-la-reconnaissance-civile-du-mariage-religieux.html
Date :
11.04.08
Une idée laïque : la
reconnaissance civile du mariage religieux
François de Lacoste Lareymondie
Face au projet de Contrat d’union civile
(CUC) (le mariage moins la filiation), la Fondation de Service politique
a proposé la reconnaissance civile du mariage religieux. Conçue comme
une réponse politique à une promesse électorale de Nicolas Sarkozy,
cette proposition a été adressée dans un premier temps à tous les
évêques de France, puis aux parlementaires, et aux abonnés de la revue
Liberté politique sous forme de Note bleue (n° 5, février
2008). Ce projet a suscité un grand nombre de remarques et
d’interrogations, critiques positives et négatives. Sa mise en œuvre ne
risque-t-elle pas de renforcer les tensions communautaristes ?
N’affaiblit-elle pas le caractère naturel du mariage ? Et quid
des revendications musulmanes ? Retour sur cette idée, dont la formule
est pratiquée dans onze Etats européens, et réponses aux objections.
TOUTES LES QUESTIONS soulevées à propos du projet de reconnaissance
civile du mariage religieux ont le mérite d’enrichir le débat, et de
peser ses avantages et ses inconvénients. Nous présentons aujourd’hui
des précisions d’ensemble, pour ajuster notre proposition. Les réponses
aux questions soulevées peuvent être regroupées en trois catégories : 1/
celles qui procèdent de l’anthropologie du mariage, 2/ celles qui
portent sur les aspects juridico-pratiques de la proposition, et 3/
celles qui relèvent de la politique et de la stratégie.
Au préalable, il faut revenir sur les fondements objectifs et universels
du mariage, à la base de toute forme de reconnaissance civile ou
religieuse.
Le mariage est avant tout une réalité anthropologique
La plupart des réactions enregistrées témoignent d’une difficulté dans
l’appréhension des fondements anthropologiques du mariage. Sans entrer
dans des développements qui dépasseraient notre cadre, il faut pourtant
les rappeler. Ils sont au nombre de deux :
 | Le premier est celui d’une nature humaine sexuellement
différenciée, constituée homme et femme, et qui ne s’accomplit que
dans l’union matrimoniale : nul individu ne trouve son accomplissement
en lui-même mais dans une relation d’union à un autre qui lui est égal
et complémentaire, union par laquelle passe le don de la vie ; d’où
découlent les dimensions intrinsèquement monogame et indissoluble du
mariage.
|
 | En second lieu, le mariage revêt un caractère institutionnel,
fondateur de toute société : en effet, sans mariage il n’y a pas de
famille, sans famille pas d’engendrement ni d’éducation des enfants,
et partant pas de société, et en fin de compte pas d’État. |
Ceci reste vrai quelles que soient les formes contingentes que
revêtent le mariage et la famille dans le temps et dans l’espace : la
vérité ontologique du mariage ne dépend pas des formes concrètes de sa
manifestation, mais de la nature humaine ; pas plus qu’elle ne dépend
des accidents de la procréation et des remèdes que l’on tente de lui
apporter.
Même si cette façon d’aborder la question est difficile à appréhender
dans le contexte culturel actuel, on doit s’y tenir solidement sous
peine de s’enfermer dans une impasse intellectuelle qui débouche sur une
vision purement conventionnelle du mariage, et dans le fidéisme pour
ceux qui s’attacheraient à respecter quand même les normes de leur
religion.
C’est à partir de là que s’articulent les réponses aux trois séries de
questions posées.
I- CONSEQUENCES ANTHROPOLOGIQUES : LA RECONNAISSANCE CIVILE EST
INCONTOURNABLE
1/ Pour l’Église, le mariage religieux n’est pas premier par rapport
au mariage civil
L’Église reçoit l’anthropologie du mariage telle qu’on vient de la
résumer comme une donnée de la nature créée. La Bible, c’est-à-dire la
révélation divine en ce qu’elle nous dit quelque chose de fondamental
sur la vérité de l’homme, souligne qu’elle remonte à l’origine,
autrement dit à la Création ; elle ajoute même que Dieu vit que « cela
était très bon » (Gn. I, 31). Faut-il évoquer en outre à ce sujet la
parole du Christ à la Samaritaine (Jn. IV, 17), ainsi que Sa réponse aux
pharisiens qui se référaient à la répudiation autorisée par la loi
mosaïque : « C’est en raison de l’endurcissement de votre cœur que Moïse
l’a permis ; mais à l’origine il n’en était pas ainsi » (Mt. XIX, 3s) ?
À la suite du Christ qui a assis sur cette réalité naturelle un signe
efficace de Sa présence et de Son alliance avec les hommes (cf. les
noces de Cana en Jn. II, 1s, et chez saint Paul, Ep. V, 32), l’Église a
reconnu et reçu Sa volonté d’élever le mariage à la dignité
sacramentelle et de lui faire porter un sens et des effets surnaturels.
C’est dire l’importance que revêt le mariage naturel, et le caractère
unique du mariage religieux parmi tous les autres sacrements : au plan
ontologique, la réalité naturelle, c’est-à-dire le mariage civil, est
ici première, même si le sacrement la transcende au plan spirituel et
lui donne une portée surnaturelle incommensurable. C’est pourquoi,
depuis sa fondation, l’Église se bat continûment contre le monde avec
bien des incompréhensions, des compromis boiteux et des échecs, pour que
cette réalité naturelle soit respectée et, au besoin, rectifiée ; et
c’est aussi pourquoi se pose aujourd’hui la question cruciale de la
préservation de sa vérité intrinsèque.
2/ Le mariage religieux n’absorbe pas toute la réalité du mariage
Résurgence particulière du vieux débat sur les rapports de la nature et
de la grâce (ou surnature) que cette question. Mais non : la grâce
n’abolit pas la nature ; elle la restaure en sa partie blessée et la
transcende, mais elle n’en fait pas disparaître les exigences propres.
En raison de la double dimension du mariage, à la fois réalité naturelle
fondamentale et sacrement, l’Église ne peut pas faire l’impasse sur la
première, c’est-à-dire se dispenser du mariage civil de façon banale et
habituelle : imagine-t-on des catholiques mariés religieusement que la
société tiendrait pour des concubins ? Quelle contradiction !
À telle enseigne que le Code de droit canonique précise au canon 1071
que « sauf cas de nécessité, personne n’assistera sans l’autorisation de
l’Ordinaire du lieu… au mariage qui ne peut être reconnu ou célébré
selon la loi civile ». Autrement dit, l’Église n’accepte pas de célébrer
le sacrement s’il n’y a pas aussi mariage civil, d’une façon ou d’une
autre : agir autrement de sa part serait nier implicitement la réalité
anthropologique préalable du mariage et donc le fondement sur lequel est
assis le sacrement.
Par conséquent, le mariage religieux n’absorbe pas le mariage civil.
Celui-ci a sa finalité propre ; et la société, en tant que telle, a le
droit et le devoir de demander aux époux de s’engager devant elle,
qu’ils soient chrétiens ou non.
C’est à la lumière de cette première conclusion que l’on peut répondre à
la question incidente que pose l’existence de l’article 433-21 du code
pénal français. Celui-ci sanctionne pénalement un ministre du culte qui
célèbre des mariages religieux sans mariage civil préalable. Introduit
dans notre droit à la fin de la période révolutionnaire pour lutter
contre les tenants de l’ordre ancien, il n’a plus la même portée. En
demander aujourd’hui l’abrogation n’aurait d’autre but que d’inciter à
se passer du mariage civil sans risque de poursuites judiciaires : ce
serait faire fausse route.
3/ Même dévalorisé, le mariage civil demeure légitime…
Il est exact que, dans nos sociétés occidentales postmodernes, le mariage
a été totalement galvaudé par l’accent trop souvent mis sur le seul
sentiment amoureux, par le divorce facilité à l’extrême, par les
avantages sociaux et fiscaux accordés à tous les couples, mariés ou non,
etc. que nombre de gens n’en voient plus la finalité, ni même l’utilité.
Beaucoup préfèrent s’en passer en vivant en concubinage, ou adoptent la
formule plus légère du PaCS.
Cette réalité, très ancienne et très générale (elle ne date pas
d’aujourd’hui, loin s’en faut), provient de la difficulté que nous avons
tous à vivre le mariage monogame et indissoluble dans sa pleine vérité
en raison de la blessure infligée à notre nature par le péché ; blessure
qui offre à l’Adversaire la porte la plus large et la plus facile à
emprunter. Elle témoigne de l’ « endurcissement du cœur » auquel le
Christ fait allusion ; et elle s’adosse à la propension habituelle de
l’homme, rarement avouée mais toujours latente, à rechercher des
accommodements avec une exigence difficile à atteindre plutôt qu’à se
corriger lui-même, à admettre ses chutes comme telles, et à se relever
sans cesse.
Mais autant la faiblesse humaine appelle de l’indulgence dans ses
manifestations personnelles et concrètes, et trouve son remède ultime
dans la miséricorde divine, autant l’exigence demeure, que l’on ne
saurait renier : le Christ n’a pas condamné la femme adultère, mais il
ne l’a pas excusée non plus, la renvoyant avec cette instruction ferme :
« Va, désormais ne pèche plus » (Jn. VIII, 11).
On ne juge pas de la réalité d’une chose par son mauvais usage, fût-il
général et approuvé par la société. Que le mariage soit mal protégé et
mal vécu ne rétroagit pas sur sa nature. C’est pourquoi le combat de
l’Église pour en faire prévaloir la vérité dure depuis 2000 ans et ne
cessera jamais.
4/ … mais jusqu’à quel point ?
En dépit d’une pratique galvaudée, tant qu’il demeure un mariage avec
toute sa spécificité, le mariage civil doit être respecté et assumé.
Mais jusqu’à quel point peut-on accepter sa dévalorisation ? Y a-t-il
une « ligne jaune » à ne pas franchir ?
Le canon 1071 déjà cité commence par l’expression « sauf cas de
nécessité ». Elle signifie que l’impératif du mariage civil peut
comporter des exceptions. Quelles sont-elles ?
Laissons de côté celles qui relèveraient d’une situation particulière
des fiancés dans un contexte déterminé et qui, au jugement de l’évêque,
justifierait que l’Église les admette au sacrement sans qu’il y ait
mariage civil. Peut-on concevoir également des exceptions de portée
générale ? Sur un plan théorique, on peut imaginer deux hypothèses qui
correspondent à des cas extrêmes : la disparition de toute autorité
publique susceptible de célébrer un mariage civil (guerre ou
cataclysme), et la suppression formelle et expresse de l’institution du
mariage par un État qui renverrait tout lien matrimonial à un simple
arrangement privé. Nous n’en sommes pas encore là, quoique l’utilisation
concrète du PaCS (à plus de 90% par des couples hétérosexuels) suggère
qu’on risque d’y aboutir un jour.
Ce constat ne suffit pas à clore le débat : le CUC, selon les formes
qu’il revêtirait, pourrait obliger à reconsidérer la réponse. D’où la
nécessité d’entrer plus avant dans l’analyse du mariage et d’examiner
ses aspects juridiques afin de les confronter à ceux qui sont envisagés
pour le CUC.
II- LES ASPECTS JURIDIQUES ET PRATIQUES
1/ Détourner la forme juridique, c’est dénaturer la réalité
Le mariage est à la fois une institution et un contrat.
D’abord une institution, et même une institution fondatrice de la
société comme on l’a rappelé plus haut. En effet la société ne résulte
pas d’un « contrat social » conclu souverainement et abstraitement entre
des individus isolés et juxtaposés, mais d’une agrégation de
communautés, dont la première est la famille fondée par mariage et qui,
de proche en proche, aboutissent à la société politique, autrement dit
l’État. En retour l’État doit leur donner une forme adéquate, notamment
juridique, pour leur permettre de se déployer pleinement. C’est en ce
sens qu’il les institue.
Ensuite, parce qu’il unit deux individus égaux en droit, le mariage est
aussi et par nature un contrat. Or un contrat, s’il exige évidemment un
objet qui fait sa substance et sur lequel les parties s’accordent, ne
peut se concevoir sans revêtir une certaine forme qui le spécifie :
c’est vrai dans tout système juridique. La forme a pour but de garantir
que les parties ne se méprennent ni sur ce qu’elles font, ni sur les
raisons de le faire, ni sur la manière de le faire.
D’où les formes nécessaires et substantielles du contrat de mariage que
sont sa célébration publique, dans un lieu public, devant témoins, et en
présence d’une autorité publique. Elles caractérisent tellement le
mariage que, sans elles, celui-ci n’existe pas : tout mariage clandestin
est nul, comme l’est tout mariage célébré sans témoin ou hors la
présence de l’autorité publique légitime. Ces mêmes formes se retrouvent
intégralement dans la célébration religieuse.
La dénaturation du mariage serait donc avérée dès lors que sa forme
propre serait détournée pour servir à autre chose. C’est d’ailleurs ce
qui différencie le CUC du PaCS dans l’intention de ses promoteurs : le
faire ressembler le plus possible à un mariage sans lui en donner le
nom, et l’ouvrir à des personnes de même sexe. Mais le nom ne fait pas
la chose, ni son changement ne la fait disparaître. Ne soyons pas dupe
de ce nominalisme au caractère mensonger. Et c’est alors que
ressurgirait le problème de fond obligeant à rouvrir la question d’une
objection radicale.
Si tel devait être le cas, l’alternative suivante se présenterait donc à
nous :
 | laisser faire et admettre que la contestation puisse passer par la
désobéissance civile ;
|
 | chercher une solution pratique qui évite cette voie conflictuelle
et hasardeuse.
Notre proposition de reconnaissance civile du mariage religieux
s’inscrit dans la seconde perspective. |
2/ La reconnaissance civile du mariage religieux respecte la
laïcité
Dans les pays qui la pratiquent (on en a identifié une dizaine en
Europe, à population majoritairement catholique ou protestante), la
reconnaissance civile du mariage religieux revêt des modalités
variables. Mais toutes ont deux points communs :
 | le caractère facultatif de l’option : pour les époux qui le
souhaitent et pour eux seulement, la célébration du mariage civil peut
être regroupée avec celle du mariage religieux et se faire sur le lieu
de culte ;
|
 | l’indépendance juridique des deux actes de mariage : aucun
n’absorbe l’autre mais chacun d’eux demeure régi par ses normes
propres et produit ses effets propres, le mariage civil au plan civil
(y compris la faculté de divorcer), le mariage religieux au plan
religieux ; à telle enseigne que dans certains pays (l’Italie par
exemple), le prêtre qui célèbre à l’église doit lire aux futurs époux
les articles du code civil relatifs au mariage comme cela se fait à la
mairie. |
La transposition de tels mécanismes en France ne présente aucune
difficulté technique dès lors que les précautions administratives
adéquates sont prises :
 | une déclaration préalable aux autorités civiles habituelles à qui
reviendraient, comme aujourd’hui, de vérifier la capacité des futurs
époux et la régularité du mariage envisagé au regard du droit civil ;
|
 | une attestation qu’il n’y a pas d’empêchement, à transmettre par
l’autorité administrative à l’autorité religieuse chargée de la
célébration ;
|
 | la transcription ultérieure du mariage religieux sur les registres
d’état-civil, ou la signature de ces registres lors de la cérémonie
religieuse, le cas échéant en présence d’un représentant du maire. |
La réponse à la question posée est claire : cela fonctionne, et
fonctionne sans empiètement de l’État sur les cultes, ni empiètement des
cultes sur l’État. Il n’y a pas absorption d’un droit par l’autre, mais
seulement regroupement de deux cérémonies en une seule.
Ce qui est vrai en revanche, c’est que l’arrangement de procédure règle
le problème : l’Église continuerait de s’abstenir de « marier » des
personnes de même sexe, préservant ainsi la vérité des mariages qu’elle
célèbrerait, et épargnerait aux catholiques d’avoir à se confronter au
dilemme évoqué précédemment.
III- LES ASPECTS POLITIQUES ET TACTIQUES
1/ L’objectif est d’éviter le désordre public
Le premier objectif poursuivi par la demande de reconnaissance civile du
mariage religieux concerne la communauté chrétienne, et plus précisément
son unité : il est indispensable de tout faire pour que les chrétiens
qui prennent le mariage religieux au sérieux ne soient pas acculés au
dilemme de la désobéissance civile.
Il est certain que la communauté se diviserait sur la participation ou
non à un mariage civil qui aurait été dénaturé, sans que quiconque soit
en droit de blâmer ceux qui estimeraient en leur âme et conscience ne
pas pouvoir cautionner sa dénaturation ; et qu’alors surgiraient de
vrais risques de désordre, qui seraient probablement qualifiés de
sectaires par l’autorité publique pour être combattus.
À moins qu’on ne se résigne d’avance à de nouvelles divisions internes
et à d’inutiles lamentations sur les dérives de notre temps, si les
pouvoirs publics persistent dans leur intention de créer un CUC célébré
comme un mariage, le seul moyen pratique de contourner la difficulté
consiste donc à obtenir que les chrétiens puissent célébrer leur mariage
dans une cérémonie dénuée de toute ambiguïté mais qui ne les détourne
pas d’un mariage civil indispensable.
Se plaindrait-on qu’ils désertent ensuite les mairies ? Mais à qui s’en
prendre sinon à ceux qui veulent faire entrer en mairie des unions qui
n’y ont pas leur place et à les faire cautionner par tous les
participants, volontaires ou contraints, à de telles cérémonies ?
Le cas des musulmans exige davantage d’attention.
Soit il existe chez eux un formalisme spécifique qui accompagne la «
cérémonie religieuse », et on ne voit pas pourquoi on les priverait de
cette reconnaissance pourvu que soient prises les mêmes précautions de
procédure civile ; soit ce n’est pas le cas, et la reconnaissance ne
pourra pas fonctionner à leur endroit. En d’autres termes, le droit
civil n’étant pas « absorbé » par le droit religieux et la procédure
civile demeurant sauve, si le mariage envisagé par deux personnes de
religion musulmane n’est pas conforme au droit civil français, et si
l’attestation préalable de capacité et de non-empêchement n’est pas
délivrée par l’autorité administrative, il ne pourra pas être célébré
légalement par le ministre du culte concerné. Ce qui est déjà le cas, on
doit le souligner.
Autre est la question des musulmans qui, dès à présent, se mettent en
marge du droit civil français. Mais dès lors qu’un mécanisme de
reconnaissance aura été institué, assorti des précautions procédurales
que l’on a décrites, la mise en marge deviendra beaucoup plus difficile
à justifier de leur part, et plus facile à combattre ; ne serait-ce
qu’en ayant ainsi renforcé la main des autorités religieuses musulmanes
soucieuses d’intégration dans la société française.
2/ Prendre l’initiative
La demande de reconnaissance civile du mariage religieux poursuit un
second objectif qui est d’ordre politique : il s’agit de « faire bouger
les lignes » pour retrouver une marge de manœuvre, tout en protégeant la
vérité ontologique que nous voulons défendre. Or sur ce plan, elle revêt
un sens et une force (notamment dissuasive) très grands.
En effet, elle permet de prendre le législateur à contrepied et de le
mettre en face de ses contradictions : s’il entre dans la voie de la
dénaturation pour satisfaire la revendication d’une communauté, la
communauté homosexuelle (à supposer qu’elle existe vraiment, mais c’est
l’hypothèse nécessaire au projet), comment justifiera-t-il le rejet
d’une demande symétrique de la part de l’Église, sauf à avouer qu’il
procède à une discrimination à son encontre.
Elle comporte en effet une espèce d’évidence politique, y compris en
termes de communication, qui la rend impossible à contrer de la part de
ceux qui s’attaquent au mariage. Pour s’y opposer en effet, il leur
faudrait argumenter sur le fond de ce qu’il est, et logiquement
abandonner l’idée de le dénaturer.
Enfin, elle présente un avantage tactique non négligeable, celui de
l’initiative. Au lieu de se tenir sur la défensive (les combats
strictement défensifs finissent toujours par être perdus), l’Église de
France obligerait les pouvoirs publics à se battre sur deux fronts :
avec le résultat probable, si l’offensive est conduite avec assez de
force et de conviction, que ceux-ci préfèreront écarter les deux
demandes, celle des homosexuels et la sienne, et donc maintenir le
statu quo, de peur de déstabiliser les compromis qui régissent les
rapports entre l’Église et l’État. Ce qui nous suffira bien…
Compte tenu de l’influence que détient encore l’Église de France,
notamment sur cette question, ce n’est pas un combat perdu d’avance,
loin s’en faut ; pourvu qu’elle accepte de rompre avec la culture de
consensus et de demi-mesure qui prévaut trop souvent aujourd’hui sur les
questions morales conflictuelles.
Pour en savoir plus :
■ Note bleue
Face au CUC, la reconnaissance civile du mariage religieux
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