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Dossiers : Démocratie

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Auteur: GEORGES DILLINGER

Source: Présent  http://www.present.fr/article-13400-7037.html

Date : 23.02.10

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De nouveaux « Morts pour la France »

Les auteurs de ces morts ne peuvent être que des ennemis de la France

 

Un certain nombre des victimes du massacre du 26 mars 1962 à Alger viennent d‘être déclarées « Morts pour la France » par la puissance publique ou ce qui en tient lieu. Cette décision, bien tardive – plus de 47 ans après les événements –, répond à une demande déjà ancienne de certaines familles. Celles-ci, toujours sous le terrible choc psychologique dû à la mort innocente d’un être bien-aimé, ont cherché avec une inflexible détermination à faire aboutir leur demande afin qu‘à la mort physique ne vienne pas s’ajouter la mort mémorielle. Louable souhait, estimable demande, malheureusement sans rapport avec le fond du problème : c’est-à-dire avec la reconnaissance qui s’imposerait de l‘écrasante responsabilité de l’autorité publique de l‘époque dans ce massacre monstrueux.

Si le 26 mars ces personnes sont mortes pour la France, comment les choses sont-elles arrivées ? Elles n’ont pas succombé au cours d’essais thérapeutiques dans le cadre d’une recherche pour sauver notre pays d’une pandémie dévastatrice. Ce n‘étaient pas des sauveteurs brûlés à mort en tentant d‘éviter l’explosion d’une centrale nucléaire mettant en péril toute une région française. Ces personnes ne sont pas mortes d’un accident cardiaque en chantant à pleine voix La Marseillaise, sur le parvis de la Grande Poste.

Non ! Toutes ont été tuées par des balles françaises dans un guet-apens innommable où toute la chaîne du pouvoir était complice et définitivement compromise : De Gaulle, Fouché, Gros, Capodano, De Mendit et jusqu’au modeste lieutenant qui commandait la section du 4e RT, l’arme du crime collectif. La manifestation, sur laquelle se sont déchaînés leurs fusils-mitrailleurs, ne mettait pourtant pas en danger l’ordre public. Ces milliers d’hommes, d’enfants, de femmes et de vieillards ne préparaient pas un putsch contre les autorités légales. Aucun n‘était armé si ce n’est spirituellement pour solliciter qu’on levât le ghetto meurtrier qui, depuis trois jours, s‘était abattu sur Bab-el-Oued : aucun des 80 morts et des 200 blessés ne portait de pistolet-mitrailleur ou le moindre revolver et la brutalité du feu ne leur avait pas laissé le loisir d’aller cacher une telle arme. Aucun ne mettait en péril les infâmes et prétendus accords signés à Evian le 18 mars 1962. Aucun chef de l’OAS – réel ou imaginaire – ne comptait se servir de ce misérable troupeau pour s’emparer du pouvoir à Alger.

Non ! Ces personnes ont été frappées par les rafales de balles des fusils-mitrailleurs, dans un guet-apens comme l’Histoire de France n’en offre sans doute que très peu d’exemples. J’ai décrit, par ailleurs, comment l’armée française – instrument du crime – laissait venir les cortèges en provenance des quartiers périphériques algérois pour « alimenter » la manifestation jusqu‘à une masse critique, grâce à laquelle le massacre atteindrait l’effet psychologique recherché sur toute la population de la région algéroise. J’ai aussi évoqué le fait que la manifestation eût pu être dispersée – à l’instar de ce qui s’est passé tant de fois – par la projection de quelques grenades lacrymogènes depuis des hélicoptères dont les hélices résonnaient tous les jours dans le ciel d’Alger. L’holocauste, ainsi minutieusement préparé, ne l‘était pas pour la France, la Grande France, pour ces départements d’Algérie dont il fallait au contraire hâter l’agonie. Ces sacrifiés n‘étaient donc même pas morts pour la France. Ils n‘étaient même pas morts pour rien. Ces malheureux sont morts comme un instrument de chair et de sang au service de la politique d’abandon dont, 47 ans plus tard, la France n’a pas fini de payer le prix.

La stratégie du pouvoir gaulliste, inhumaine, criminelle, a payé. Les Français de la région algéroise ont été les premiers à comprendre la leçon : l’armée française n‘était plus là pour les défendre. Elle avait basculé dans le camp de l’ennemi. Elle serait désormais la complice infiniment active du FLN pour leur faire endurer le pire. L’exode a commencé à Alger dans les jours suivants. Le temps pour beaucoup de faire une valise pour éviter le cercueil…

Quoi qu’il en soit, par cette récente décision – évidemment uniquement électoraliste à l’approche des régionales – la puissance publique actuelle se met dans la position d’avoir à répondre à une question capitale, que nous serons évidemment les seuls à poser. Si ces hommes sont morts pour la France, alors en vérité ceux qui les ont tués, non point seulement les jeunes indigènes du 4e RT mais toute la chaîne du pouvoir rappelée ci-dessus, de civils et de militaires, ont été des ennemis de la France. Si ces 80 morts n‘étaient pas de dangereux activistes, s’ils méritent le titre de « Mort pour la France », en vérité on ne saurait considérer leurs meurtriers comme des amis de la France sous peine de plonger dans la plus grande confusion mentale. J’entendais ces jours-ci un gaulliste, apparemment inguérissable, blanchir De Gaulle des drames survenus en Algérie après le 19 mars, tels que le massacre des harkis, les milliers de disparus, etc. : De Gaulle et la France n’y sont pour rien, disait-il ; c’est le FLN qui n’a pas tenu sa parole. Phénomène hautement imprévisible n’est-ce pas ? Et contre lequel la France n’a pas levé le petit doigt. Alors que les accords d’Evian précisaient explicitement que le maintien de l’ordre restait de notre responsabilité jusqu’au jour de l’Indépendance. Au sujet du massacre du 26 mars au moins, le FLN ne peut être mis en cause. Les assassins, les instigateurs du carnage sont de bons Français dont j’ai rappelé les noms ci-dessus de De Gaule au modeste lieutenant de la section assassine. Répétons que, sauf incohérence totale, si les assassinés de De Gaulle sont « morts pour la France », alors ce personnage s’est conduit en ennemi de la France. Dans ces conditions, il serait légitime que le prochain train de « Mort de la France » place, au premier rang, le colonel Jean-Bastien Thiry.

GEORGES DILLINGER

 

 

 

 

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