....Gagatorium ... le péril de l' "or gris" ...

Dossiers :   la Vie   la Mort

Date : 12.06.2013 

      

Christine Ravenne : “Gagatorium”

Quatre ans dans un mouroir doré

 

 

Tous ceux qui, un jour, ont eu à rendre visite à des proches dans une maison de retraite (aussi confortable fût-elle), en sont ressortis le cœur au bord des larmes. D’autant que le terme mouroir attribué à ces endroits déprimants est bien souvent – hélas ! – justifié.

Christine Ravenne, elle, a pu s’en échapper (et, là encore, le mot n’est pas trop fort). Comme elle a toute sa tête (1), elle a choisi de témoigner dans un livre terrible, Gagatorium, sous-titré : « Quatre ans dans un mouroir doré ».

Un mouroir doré. Doré. Mais n’empêche : mouroir. Fin 2007, ayant quitté Biarritz où elle vivait, elle emménage à la résidence Ker-Eden (« La Maison de Paradis », pas moins…) en Bretagne. Pour se rapprocher de sa fille, de son gendre et de ses petits-enfants. Et aussi parce que, ayant vécu des hospitalisations d’urgence (cataracte, diabète, asthme), elle souhaite une résidence médicalisée.

Ker-Eden n’est pas une maison de retraite pour indigents. Elle a un jardin arboré. On peut y acheter son appartement (ce qu’a fait Christine Ravenne). On y organise des animations. Dans l’esprit de ce qui est promis sur le dépliant publicitaire : « Autonomie, convivialité, sécurité ».

En 2007, Christine Ravenne a 77 ans et, comme elle le dit, toutes ses facultés si le corps ne suit pas toujours. Elle s’aperçoit vite qu’en fait de « paradis », elle est entrée dans un « enfer ». Où règnent ceux qu’elle appelle Mme Bling-Bling, Peau-de-Vache, Sitting Bull, etc. La philosophie de la maison ? « Payez et taisez-vous ! »

Elle raconte par le menu les maltraitances dont sont victimes au quotidien les « vieux » : maltraitance physique, morale, financière. Elle en tient pour responsables les services publics : « Le genre de vie qu’on impose aux vieux, ils n’en veulent plus. Alors on les met au gagatorium : tricot, dominos, gâteaux… et taisez-vous ! Taisez-vous, les vieux, vous n’avez pas la parole ! On ne parle pas de ces choses-là (la vieillesse et la mort). »

Le 20 avril 2011, Christine Ravenne quitte Ker-Eden. Parce qu’elle en a les moyens et que ses enfants sont là pour l’épauler. Mais elle ne se désintéresse pas pour autant de celles qu’elle appelle les « p’tites mémées » : « Un an après mon départ, certaines sont mortes, parties ailleurs ou définitivement tombées dans le trou d’où on ne remonte plus, le trou abyssal. Alzheimer. »

Mais elle a tenu le serment qu’elle s’était fait en quittant Ker-Eden : écrire un livre pour tirer la sonnette d’alarme et avertir ses concitoyens du péril de l’« or gris ». Son livre se termine par le mot de la… fin : « La maltraitance des anciens reste d’une actualité brûlante. Pas de mot de la fin. Plutôt des mots d’espoir, d’appel à des jours meilleurs. »

Un livre terrible, avons-nous dit, et qui prend à la gorge : « J’accuse les laboratoires pharmaceutiques de créer une race de vieilles poules droguées, bourrées de somnifères, de neuroleptiques, pour les précipiter plus vite dans les bras d’Alzheimer. »

Une « vieille poule »,Christine Ravenne ? Non : un vrai coq de combat !

(1) C’est une ancienne journaliste, consultante et auteur de nombreux ouvrages sur le management.

• Editions Fayard.

ALAIN SANDERS

 

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